Dans ses relations économiques et commerciales avec la République démocratique du Congo, l'Allemagne devrait redoubler d'efforts pour veiller au respect des droits humains par les entreprises et les investisseurs privés, écrit Gilbert Dhego dans cet article du blog Joint Futures.
Mon pays d’origine, la RD Congo regorge de minerais, notamment le cuivre et le cobalt. Leur exploitation et approvisionnement constituent un enjeu majeur de la politique géoéconomique mondiale – ce qui attire des investisseurs et des entreprises privées, entre autres d'Allemagne. Ces deux minéraux sont essentiels pour le développement technologique et énergétique. Le cobalt, par exemple, est un élément clé dans la fabrication des batteries lithium-ion, qui alimentent une grande variété de technologies modernes, y compris les véhicules électriques et les smartphones.
Cependant, les investisseurs étrangers comme des entreprises privées ne sont pas toujours convenablement accompagnées par l’Etat congolais pour garantir que leurs activités respectent les droits des communautés locales congolaises et plus spécifiquement des communautés en situation des conflits. Après plus d’une décennie de l’adoption par le Conseil des droits de l’homme des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, des cas de violation des droits humains par des entreprises minières sont toujours reportés en RD Congo. Les responsabilités des Etats et des entreprises sont pourtant définies dans le cadre de ces Principes directeurs : la prévention et la lutte contre les violations des droits de l’homme liées aux entreprises.
Exemples de déguerpisments dans le cadre de l'exploitation du cobalt et cuivre
Le cas des communautés locales du territoire de Walikale (Nord- Kivu) est une illustration où la multinationale Alphamine Bisie Mining (ABM, SA) exploite industriellement sur le site de Bisie un scandaleux gisement de l’étain. La Société paie ses redevances et taxes légales, mais sa responsabilité sociétale comme entreprise demeure questionnable: quel rôle positif joue-t-elle dans le milieu ? Quelles sont les conséquences environnementales et sociales de ses décisions ? Quelle est sa contribution au développement durable et à la création de valeur économique ? Depuis décembre 2017, des milliers de personnes se sont vues privées de leurs moyens de subsistance et d’existence du jour au lendemain et sans moyen de recours. Le Gouvernement congolais a prêté main forte à l’ABM pour opérationnaliser ce déguerpissement en mettant en contribution sa police et son armée.
C’est le cas également des populations de la localité Mukumbi, en Province de Lualaba (Kolwezi), au Sud-Est de la RD Congo près de la Mine de Mutoshi exploitée par Chemical of Africa SA (Chemaf), une filiale de Chemaf Resources Ltd, qui ont été expulsées de force par des militaires de leurs habitations et de leurs champs pour permettre l’expansion de projets d’extractions du cuivre et du cobalt. Des villageois qui essayaient de les en empêcher étaient frappés. La localité a été complètement détruite le 7 novembre 2016 sans indemnisation conséquente. L'accaparement des terres est allé de pair avec la pollution de l'eau et des sols, la perte de biodiversité et la destruction irrémédiable de l'environnement.
L'afflux d'investissements privés s'accompagne souvent de problèmes liés aux droits humains
Il est vrai que l’afflux des investissements dans le secteur minier peut augmenter les recettes fiscales, créer des emplois, améliorer certaines infrastructures sociales et ouvrir à la chaine d’approvisionnement mondiale. Cependant, il est douloureux de constater que cela s’opère le plus souvent dans le non-respect des droits des communautés locales et ne contribue guère à un développement économique et social inclusif et à grande échelle.
En effet, les entreprises étrangères particulièrement violent les droits des communautés hôtes avec l’appui des autorités congolaises. Elles réalisent beaucoup de profits et l’Etat ne suit pas rigoureusement les comportements des entreprises étant donné que l’élite politique profite de cette même situation de commerce des minerais. Bref, les investisseurs étrangers, par le truchement des multinationales, les entreprises privées surtout dans le secteur minier industriel sont de plus en plus considérés comme des entreprises de prédation au service d’un capitalisme ravageur, impitoyable et sans scrupule.
C’est la raison pour laquelle pratiquement tous les contrats miniers passés avec des multinationales ou avec d’autres entreprises privées à l’Est de la RD Congo sont qualifiés de léonins et de ce fait, « accords prédateurs ». Souvent il y a des manifestations locales – c’est le cas des habitants de la localité aurifère de Kitutu dans le territoire de Mwenga au Sud-Kivu qui ont manifesté contre une entreprise chinoise accusée d’exploitation illégale.
L’exploitation minière à petite échelle en revanche peut contribuer significativement à la réduction de la pauvreté si elle est soutenue pour surmonter les défis sociaux et environnementaux auxquels elle est confrontée. Dans ce contexte, le secteur minier artisanal offre des opportunités pour la création de la classe moyenne. Mais il faut qu’il soit formalisé pour accroître la transparence et ainsi contribuer à réduire la fraude.
L'Allemagne devrait promouvoir le respect des droits humains par les entreprises en Afrique
L’Allemagne est un grand importateur des minerais pour ses industries, et cette tendance devrait s'accentuer dans les années à venir. En 2022, les importations de l’Allemagne en provenance du Congo se sont élevées à USD 173 millions et la principale marchandise importée était le cuivre.
Etant donné l’engagement international en vertue de sa Loi sur le Devoir de Diligence des Entreprises dans les Chaînes d'Approvisionnement (LkSG), on attend de l’Allemagne la collaboration en faveur de la mise en place d’un cadre consultatif, inclusif et permanent de compréhension des obligations et d’engagements bilatéraux, Etats et Entreprises face aux violations des droits de l’homme par les entreprises. Cette loi devrait être reproduite au niveau européen et mondial, avec des dispositions fortes pour garantir l'accès des communautés à la justice en cas d’abus.
L’Etat a le devoir de prévenir, d’enquêter, de punir et de réparer les atteintes aux droits de l’homme causées par les entreprises. Mais, cette disposition n’est pas toujours d’application de la part des Etats. C’est le cas de la RD Congo face aux violations des droits humains par la Société ABM, SA à l’égard des membres des coopératives minières COMIMPA et COCABI et leurs dépendants et les autres composantes de la population habitants de Bisie et qui en ont été illégalement déguerpis : sans une décision régulière de la Justice.
L'Allemagne devrait utiliser ses relations diplomatiques pour aborder ces problèmes et aussi appuyer le processus d’examen périodique de l’engagement des Etats africains à garantir qu’ils s’acquittent de leur obligation en faveur de respect des droits de l’homme par les entreprises. En outre, l’Allemagne peut contribuer au renforcement des dynamiques ou mécanismes régionaux comme la commission africaine des droits de l’homme et des peuples, le comité africain d’expert sur les droits et le bien-être de l’enfant, la cour africaine des droits de l’homme et des peuples et des mécanismes sous-régionaux comme la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL).
Les investissements privés devraient être durables et réduire la pauvreté locale
Il faut également veiller à ce que les entreprises allemandes ou autres entreprises qui sont en lien direct ou indirect avec les industries allemandes soient effectivement respectueuses des droits de l’homme et de communautés locales où elles œuvrent. Les investissements allemands dans le secteur minier devraient être strictement liés à des obligations de diligence raisonnable en matière de droits de l'homme et d'environnement et à des mécanismes efficaces de lutte contre la corruption. Il est également très important que l'extraction des ressources soit toujours associée à des effets positifs sur l'emploi local et contribue de manière démontrable à la création de chaînes de valeur. Par exemple, développer des capacités de fusion et de raffinage sur place. Enfin, l'engagement du secteur privé allemand en RD Congo notamment devrait être accompagné d'une initiative d'investissement public dans l'éducation de base, l'enseignement tertiaire et les possibilités de formation dans les métiers artisanaux, techniques et commerciaux. Ce n'est qu'ainsi qu'un partenariat équitable et durable pourra être mis en place.
En définitive, l’Allemagne peut apprendre de tout ceci qu’elle peut jouer un rôle très important dans l’engagement des Etats africains dont la RD Congo à faire inscrire dans l’agenda des entreprises le respect et la promotion des droits de l’homme au centre de tout projet d’investissement et de développement. Elle peut pousser efficacement les entreprises à agir avec diligence raisonnable pour éviter de porter atteinte aux droits de l’homme en menant systématiquement des études préalables d’impact sur les droits humains et sur l’environnement. Il s’agit pour les entreprises d’évaluer sérieusement et non de manière fantaisiste leurs impacts réels et potentiels sur les droits de l’homme ; prévenir et réparer toutes violations commises. Elle peut contribuer à la promotion des mécanismes de facilitation d’accès à des recours pour les victimes d’abus liés aux entreprises : mécanisme de réclamation efficace. Ceci dans le but de dissuader les entreprises à ne pas agir en tant qu’arbitre de leurs propres actions. Vive le respect des droits humains par les entreprises !
Gilbert Dhego est le coordinateur de la Commission diocésaine Justice et Paix, Caritas-Development, basée à Goma, République démocratique du Congo.
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Meike Schulze und Melanie Müller argumentieren in diesem Joint Futures Beitrag, dass die Bundesregierung eine nachhaltige Rohstoffaußenpolitik gegenüber Afrika gestalten sollte, die das Ziel hat, langfristige industrielle Partnerschaften aufzubauen.
Rohstoffpartnerschaften sind ein bedeutsames Element einer nachhaltigen Rohstoffaußenpolitik. Die Autorinnen und Autoren blicken auf einige Staaten, mit denen die Bundesregierung Rohstoffkooperationen eingehen könnte, und machen Vorschläge, wie diese Zusammenarbeit aussehen kann.